3/14/2016

Le cinquième empire

La question est peut-être bête mais on se l'est posée l'autre jour entre amis. Quelle est la meilleure cinématographie nationale depuis 1975 ? La date qui marquait pour Jean-Claude Biette la fin de quelque chose, disons de la modernité, semble être en effet une bonne frontière. Si on considère toute la production de fiction, documentaire et avant-garde, il faudrait répondre que c'est le cinéma américain. Mais justement à partir de 1975 le cinéma américain est le responsable de l'infantilisation la plus sauvage des spectateurs (que quelques cinéastes vont savoir transformer, avec ce talent dont seul les américains disposent, cf. Joe Dante). Alors on aurait envie de trouver ailleurs. Et il faudrait, comme suggère Pierre Léon dans le dernier Trafic, choisir le cinéma portugais. D'abord, car étant un pays avec une toute petite production ils ont condensé un niveau de talent extraordinaire en quelques décennies (d'Oliveira à Reis et Cordeiro, de Noronha da Costa à Pedro Costa, de Monteiro à Rita Azevedo Gomes, sans parler des invités, comme Raoul Ruiz – et c'est une caractéristique de l'âge d'or presque de toute cinématographie, la faculté à adopter des étrangers). Et ensuite, parce qu'ils sont les seuls, après les américains et les italiens, à avoir inventé une langue "commune" qui dépassait leur propre nationalité. Aujourd'hui un français peut faire un film "portugais", un espagnol aussi (ils le font par ailleurs, parfois pour le meilleur, dans le cas espagnol avec le merveilleux film sur Sherlock Holmes de José Luis Garci, parfois pour le pire, comme tous ces court-métrages que Mathieu Macheret attaque de "portuguisme").

Le problème c'est que ces âges d'or (France dans les années 30, le néoréalisme italien, Hollywood à plusieurs reprises) sont toujours accompagnées d'une acceptation populaire, ou dans le pire de cas à une curiosité majoritaire. Et ce n'est pas du tout le cas de cette âge d'or portugaise, qu'il faut trouver comme on trouve un refuge. Mais ce n'est peut-être pas la faute du cinéma portugais et, justement c'est ce que viendrait confirmer que, depuis 1975, ce n'est pas pareil.

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