3/15/2016

Voisin de mémoire

Au cinéma, ou dans le train, quand on est tout seul (jamais quand on est en couple), notre voisin (à côté, en face) acquiert une importance extraordinaire. Mais cette importance se limite presque à la durée du trajet ou du film, ou quelques heures de plus, au mieux. La lecture qu'ils tiennent entre les mains, s'ils mangent, s'ils étalent, s'ils parlent au téléphone... Souvent l'importance de cette présence est due à un énervement. Ou sinon à une fascination. Dans ce cas-là, ce sont nos attitudes qui deviennent primordiales: ne pas avoir une lecture trop débile, ne pas s'endormir l'air particulièrement ridicule...
Sauf que toute cette intensité s'évapore donc très rapidement. On a du mal à se rappeler de ces têtes si importantes pendant deux, trois ou cinq heures. Souvent, c'est un nouveau film ou un nouveau voyage qui remplacent dans notre mémoire le dernier voisin.
Il faut un événement pour que ces visages deviennent plus indélébiles. Parfois, ça peut être tout petit. Comme quand lors d'un voyage récent, alors que je relisais Poétique des auteurs, le type chauve assis en face de moi – dans le nouveau manque de confort de la 1ère classe TGV – et qui avait été particulièrement antipathique avec d'autres voyageurs, m'a demandé : "Puis-je regarder votre livre de Jean-Claude Biette ?" J'ai dis oui, il l'a feuilleté. Merci. De rien. Et c'était tout. Mais assez pour laisser une empreinte (Qui est frappé de voir le nom de JCB dans un livre ? Un ancien fan de son émission radio?).
Parfois l'événement peut-être extraordinaire. Regardez le nouveau Almodovar. Si extraordinaire, que c'est un flashback.

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